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Bref, je suis allée à la COP21 - témoignage d'un de nos membres

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Ingénieur et Développement Durable (CSA)

21/01/2016

Est-ce le message répété en boucle dans le métro  pour orienter les congressistes vers le RER B ? La petite grenouille qui danse sur la publicité EDF ? La simple curiosité ? Ou une certaine envie d’y croire, malgré tout ? Je suis partie visiter les parties « grand public » de la COP21, au Bourget puis au Grand Palais.
 
Arrivée au Bourget, je prends la navette pour le musée de l’Air et de l’Espace qui accueille la partie Entreprises, baptisée « Galerie des Solutions ». Peut-être en raison de l’éloignement du site par rapport au site principal, les visiteurs sont fort peu nombreux. Un peu plus de 13000 en 7 jours, dont 41 % qui étaient des délégués de l’ONU…
« Venu inaugurer la galerie », nous dit le communiqué officiel des organisateurs, « Laurent Fabius a reconnu - alors que les négociations en étaient à leurs débuts - que les entreprises avaient déjà fait leur part du chemin et que c’était maintenant aux négociateurs de faire le leur ». Pour les négociateurs, je laisse chacun juger l’accord de Paris. Mais pour les entreprises…!
La Galerie est certes l’endroit idéal pour un benchmark sur les possibilités futures du nucléaire et du gaz, mais c'est un peu vide côté solutions vertes.
Certains stands me laissent franchement songeuse ; par exemple l’un présente une voiture réalisée en impression 3D. Certes il faut saluer la performance technique, mais nul ne semble s'être posé la question de l'utilité ou de la dépense énergétique afférente. Un grand gazier vante quant à lui les économies environnementales de son système de gazoduc (pas besoin de gaspiller l'énergie pour la liquéfaction du gaz) en omettant soigneusement de parler de la porosité de son réseau. D’autres proposent de « verdir » leurs activités, sans cependant s’interroger sur  la raison d’être de ces dernières dans un monde contraint en ressources et en énergie.
Quant à l’ambiance… j’ai trouvé les représentants des sociétés neurasthéniques. Je soupçonne une absorption massive de Captagon pour supporter la vacuité de leurs propres propos.
 
Qu’à cela ne tienne… filons voir la partie ONG, cette fois appelée « Espaces Générations Climat ».  Un nom qui met les points sur les i : plus de recours à d’obscures générations X, Y, Z, notre principale caractéristique est bien désormais d’être la génération qui va devoir composer avec le problème climatique.
A l’entrée, cela commence mal, je manque être arrêtée pour "activisme" : je transporte en effet sous le bras une immense affiche-souvenir des installations gazières d’Europe, cadeau d'une association professionnelle présente sur la partie "entreprises" du Bourget. Ceci sous l'oeil hilare de mes compagnons de bus (sri lankais ?), habillés en moines bouddhistes, qui ont confirmé que je leur avais paru "such a dangerous woman".  Après un passage par le vestiaire pour soulager mes bras et rassurer les gardiens, me voilà dans un gigantesque hall, qui fait certes le plein de visiteurs, mais reste tout aussi vide de contenu que la Galerie des Solutions.
Quelques messages sont martelés, mais sous une forme très simplifiée, on est dans la communication et non dans la pédagogie ou la réflexion. Les chenilles processionnaires, fléau des pinèdes provençales, remportent un succès fulgurant ; au moins 5 stands les évoquent, pour rappeler que, réchauffement climatique aidant, elles progressent vers le nord. Détail amusant, plus vous progressez dans le salon, plus elles se rapprochent de Paris. Rigueur scientifique…
Les visiteurs s’affichent souvent en costume traditionnel, et font la queue pour se faire prendre en photo devant un grand panneau orné du logo COP21.
Le tour des exposants est un merveilleux voyage en enfance : coloriage, découpage de bandelettes sur lesquelles on écrit un vœu et que l'on accroche à un arbre, confection d'un masque, origami, atelier cuisine, atelier bricolage, atelier recyclage, …
Des concerts sont organisés ; des fans s’activent sur des vélos pour faire fonctionner les micros et les enceintes : c’est le SolarSoundSystem, qui comme son nom l’indique fonctionne également au solaire. Peut-on maîtriser notre consommation sans toucher à notre bien-être ? C’est en tout cas le message que son concepteur cherche à faire passer, au prix là encore de la réflexion sur les besoins réels, sur les priorités (selon le concepteur un des objectifs est de pouvoir alimenter des rave parties dans les déserts) et en négligeant la consommation d’éléments électroniques non recyclables et les nuisances sonores dans des lieux qui ne pouvaient jusque-là être sonorisés aisément (déserts, montagne…).
Côté ambiance, foin de captagon, c'est plutôt haschich et champignons hallucinogènes (comme quoi les études de biodiversité ça sert...). Tout le monde est très enthousiaste, et y croit "fort fort fort", sans cependant savoir au juste en quoi. On m'a expliqué que l'engagement des ONG était très important, parce qu'on "ne peut rien attendre des politiques", et « donc les solutions viendront de la société civile », donc d'eux. J'ai contemplé la plaquette "les schtroumpfs luttent contre le changement climatique"  dans mes mains et poussé un long soupir.
 
Après une nuit de repos et la récitation assidue du mantra « mais si j’y crois », direction le Grand Palais qui accueille une seconde partie « entreprises ».
Ces dernières ont mis le paquet côté "confort" : canapés, petits fours, stands luxueux et ultra high tech. Parcours en réalité virtuelle, test sur tablette numérique, écrans plats géants…Mais les panneaux traitant des actions Développement Durable sont là encore vides et répétitifs. Parfois, les brochures commerciales sont simplement recopiées sur fond vert.
Pourtant toutes les recettes du succès sont là.
L’innovation technologique tout d’abord. Grand succès des véhicules électriques, ou à hydrogène, ou solaires, ou gaz.  De quoi ravir les fans de technologies et les geeks pas trop regardants sur la consommation d’énergie et le recyclage des composants électroniques. On trouve même deux modèles de voitures de course, l’un à l'énergie électrique, l’autre à l’énergie solaire. Le message est clair, pourquoi économiser l'énergie en réfléchissant aux besoins réels puisque l'électrique/le renouvelable permettent une énergie infinie...  Ailleurs, un casque immersif permet à tous de se ressourcer devant un paysage calme et ondoyant. Aller dans la nature, c’est trop fatiguant, et tellement moins moderne…
L’implication de chacun ensuite. Ne l’oublions pas, l’important reste de participer : Yumi, petit robot téléguidé, attrape une balle en matière recyclable et la dépose dans différentes corbeilles selon  ce que vous souhaitez préserver : l’eau, l’énergie… la queue est longue pour l’actionner, et il ne s’agit pas d’une foule d’enfants mais de trentenaires et quarantenaires en costume…  un certain nombre de visiteurs ont choisi de repartir avec la balle, anti-stress parfait, ce qui en dit long sur leur conscience écologique !
L’exemplarité. Sur le côté, de grands panneaux rappellent aux jeunes, avec force tutoiement, l’impact écologique des comptes mails et du stockage de photos/vidéos en ligne. Juste en face de ceux listant les adresses web/twitter/facebook/instagram/snapchat/Google+/viadeo/linkedin sur lesquelles les community managers de chaque exposant relaient la moindre initiative « verte ».
Et les inévitables goodies enfin. Un grand groupe offre un thermomètre (en plastique) aux courageux qui ont affronté le vide de son "espace intérieur". Une autre boîte donne des parapluies. On sent que des énormes efforts sont consentis pour l'adaptation au changement climatique.
La biodiversité est visiblement une priorité : certes l’on exploitera désormais les ressources gazières du Grand Nord russe et l’on se félicite de l’ouverture des routes maritimes entre Russie et Japon, mais les impacts sonores des navires méthaniers seront amoindris, et les capitaines sont invités à signaler sur un logiciel de type Coyote la présence de cétacés aux autres bateaux croisant à proximité. Ouf, on respire pour les baleines.
Outre les grands groupes et géants internationaux, on trouve l’INPI qui présente 65 solutions vertes venant de diverses PME, dans un grand stand en carton. Dommage que les solutions soient parfois beaucoup moins vertes que le stand : lorsque le grand loup du greenwashing soufflera dessus, où se sauveront les petits cochons ?
Beaucoup de brassage d’air donc, mais pas de risque d’avaler une mauvaise poussière : un R2D2 environnemental, petit robot autonome épurateur d’air, parcourt les allées. Soulagés ?
 



 
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