N°646 - mars-avril 2016 - Dossier "L'industrie en quête de sens"
Écrire que nous vivons une révolution technologique sans précédent qui affecte tous les secteurs économiques, la santé, l’agriculture, les transports, la culture, la science et bien d’autres est un euphémisme. L’homme, qui est à l’origine de ce bouleversement, est d’ailleurs le premier impacté. Or, s’il est une discipline que nous, ingénieurs, connaissons bien car nous sommes nombreux à la pratiquer au quotidien, c’est l’industrie.
Frappée comme tous les autres secteurs par la déferlante numérique, l’industrie cherche sa voie. Cette quête de sens n’est certes pas nouvelle et déjà au siècle dernier, plusieurs cinéastes témoins de leur temps comme Charles Chaplin en 1936 dans Les Temps modernes, ou Jacques Tati en 1958 dans Mon oncle, avaient donné à réfléchir sur le sens que prenait l’industrie en mettant en exergue son côté productiviste et en montrant déjà, et de façon dérisoire d’ailleurs, quelques comportements humains particulièrement insolites.
Comment sera l’usine demain ? Quelle sera la place des hommes et des ingénieurs ? Sera-t-elle complètement déshumanisée et quelle en sera la fonction ? Où sera-t-elle implantée ?
Les rédacteurs qui ont contribué à ce numéro apportent quelques réponses à ces interrogations légitimes. Bien entendu, nous verrons que le développement des technologies numériques offre de formidables opportunités en termes de performance en augmentant la traçabilité des opérations et des produits, en facilitant la planification des processus, en anticipant les effets des décisions. L’ingénieur, qui par essence remet perpétuellement en cause ses acquis, disposerait-il enfin d’outils de simulation suffisamment puissants pour anticiper l’avenir et prévoir les conséquences de ses décisions et de ses actes ? L’utilisation accrue de robots collaboratifs, les « cobots », qui déchargent l’homme de la plupart de ses tâches pénibles, suscite parallèlement quelques interrogations sur les risques sous-jacents liés à la présence simultanée de l’homme et du cobot dans le même espace.
Est-ce que ces robots chasseront l’homme des usines ou au contraire lui offriront-ils la pérennité de l’emploi à laquelle il aspire tant ?
À la différence des révolutions passées, celle-ci est mondiale et pose de nouveaux et de multiples défi s à l’industrie. Comment maintenir son rang et sa souveraineté face à l’émergence industrielle extrêmement rapide des pays historiquement peu développés ? Comment maintenir des partenariats de long terme sans tomber dans l’errance des délocalisations hasardeuses et des relocalisations précipitées ?
Devant tant de questions encore ouvertes, peut-être faut-il se résoudre à produire différemment pour limiter notre dépendance aux technologies de plus en plus avilissantes et pour préserver les ressources terrestres dont nous savons désormais avec précision qu’elles ne sont pas infi nies. Est-il encore possible de rendre nos progrès industriels raisonnables sans tomber dans la prédiction de Pascal qui disait que « tout ce qui se perfectionne par progrès périt aussi par progrès » ?
Guy Delcroix (ECP 73, IEP 75), responsable Carrières à l’Association des Centraliens et coordinateur de ce dossier avec Céline Jacquot, rédactrice en chef adjointe de Centraliens
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