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Plus de vingt ans de Croisière des Isles

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Voile Centralienne et Supélec

23/03/2021

Sur la plage abandonnée, coquillages et zubrowska


Chaque année à l'Ascension, depuis plus de vingt ans, la flotte centralienne puis CentraleSupélec se rassemble pour quatre jours de voile, d'embruns, de fête et de rencontres sur les plus belles îles de notre littoral (sauf en cas de pandémie). Ce sont quelques-uns de nos souvenirs, de nos péripéties, de nos anecdotes que nous vous invitons à lire.

« Avez-vous jamais songé à ce qu’il y a d’original et d’imprévu dans ce groupement d’êtres qui, la veille encore, ne se connaissaient pas, et qui, durant quelques jours, entre le ciel infini et la mer immense, vont vivre de la vie la plus intime, ensemble ?» Maurice Leblanc

A ce jour, les croisières centraliennes nous ont mené de l'île de Wight à la Corse en passant par Aurigny, Guernesey, Jersey, Serck, Chausey, Bréhat, les Sept Îles, Batz, Ouessant, Molène, Les Glénan, Groix, Arz, Belle Île, Houat, Hoedic, Noirmoutier, Yeu, Ré, Aix, Oléron, Les Embiez, Porquerolles et Port Cros.

Pour 2022, nous prévoyons une escapade en Grèce. Nos croisières sont ouvertes à tous, quelles que soient les connaissances en navigation à voile.

2000, l'année de la première Croisière des Isles
Le groupement « Voile Centralienne » existe depuis 1997, comme « Le Défi Centralien », la régate des écoles Centrale. Pour la première croisière, quatre voiliers naviguent en escadre en baie de Quiberon. Plusieurs générations d'anciens élèves y découvrent sous un jour nouveau leur ancien professeur Pierre Azou (ECP 47a). Ce dernier a troqué une physique quantique qu'on avait autrefois du mal à avaler contre des irish coffees ou des bananes flambées plus digestes.

2001 ou comment naissent les traditions
«Pendant le retour en annexe d’une promenade sur Saint Nicolas (Les Glénan), nous passons à proximité de Loustig, à bord duquel un équipier s'affaire sur la plage arrière. Il n'en faut pas plus pour que Séverine s'écrie : «Oh, là, un apéro !». Alain, aux commandes de l'annexe, ne peut refréner un réflexe naturel et vire pour s'élancer dans la direction indiquée. Si la manœuvre peut laisser entrevoir un léger manque de savoir-vivre, la tactique n'en est pas moins efficace : Melitta et François prouvent, eux, leur parfait savoir-vivre en nous accueillant à bord comme si nous étions invités. Mieux encore, 4 ou 5 annexes viennent peu après s'amarrer à la poupe de Loustig. 25 à 30 équipiers embarquent et font disparaître la ligne de flottaison. Au final, cet apéritif mémorable deviendra une tradition incontournable.» [1]

2002, Molène et son cochon grillé
En ces coins mal pavés, une navigation précise s'impose dans les courants. Le respect scrupuleux des alignements nous permet d'arriver sans encombre à Molène via le chenal des Laz entre Basse Réal et la Roche Goulin. Le bourg est construit autour de son mouillage, avec un vieux quai en granit, et quelques barques dans le port. Le soleil se couche sur Ouessant, le chenal du Fromveur et les pièges à épaves semés à tout vent. Notre soirée avec le cochon grillé nous laissera un souvenir ému (Nous parlons ici du barbecue, pas du camarade resté trop longtemps au soleil.)

2004, un curieux échouage à Chausey
Il fallait le faire ! Poser sa quille exactement sur ce caillou isolé dans le Sound de Chausey ! L'équipage a débarqué à marée haute quand le catamaran était encore à flot. C'est au retour du pique-nique, à marée basse, qu'a lieu la surprise. Double surprise même !
- Il ne manque pas quelque chose ?
- Euh… si ! On n’a plus qu’un seul des deux safrans.
- Voilà pourquoi nous avions du mal à manœuvrer.
Cela sert d'avoir des ingénieurs comme équipiers : un expert métallurgiste démontrera au loueur que la cassure est ancienne et ne peut donc nous être imputée.


Curieux échouage à Chausey


2005, mêmes les conjoints finissent par être séduits
« Ayant grandi au Texas, loin de toute étendue d’eau salée digne de ce nom, je trouvais au début incongru le fait de chercher à avoir froid, être mouillé, souffrir du mal de mer, voire se mettre en danger... alors qu'on est tellement mieux chez soi calé au fond d'un bon fauteuil. Tout ceci changea pour moi en 2005, lorsque par je ne sais pas quelle étrange alchimie (en anglais, on appelle cela "a sea change"), je me suis décidée à embarquer pour une de ces fameuses croisières. J'ai découvert un groupe de compagnons sympathiques, intelligents, drôles, accueillants, rassurants... Certes j'ai parfois eu froid, j'ai été un peu arrosée d'eau de mer, mais la chaleur de l'accueil, les fous rires, et sans doute (un peu aussi) les célèbres apéros, m'ont vite fait oublier les petits inconvénients. Il faut ajouter à cela la découverte de magnifiques paysages marins et terrestres, le caractère unique de chaque île visitée et le plaisir de se sentir un peu baroudeur des mers, le temps d'un long week-end! » [2]


2006, le pont d'Oléron : une histoire d'eau et d'air
Le passage sous le pont d'Oléron peut poser deux problèmes : à marée basse, la quille risque de toucher le fond de l'eau. Et à marée haute, le mat heurter le tablier du pont. Le sujet avait donné lieu, lors de la préparation de la croisière, à une étude approfondie. La côte donnée sur les cartes pour la hauteur du pont est-elle calculée par rapport au zéro des cartes ou de la plus basse mer ? Il s’avérera que la hauteur d'air est indiquée par rapport à la pleine mer la plus haute (de coefficient 120). Pour le vérifier, une seule solution, essayer. C'est ce que nous avons fait. Par un épais brouillard et sans vent, toute l'escadre est passée prudemment, en surveillant le tirant d'eau et le tirant d'air.

Vers Oléron prudemment dans la brume


2007, Belle Île
La promotion 1957 s’est déclarée fière d'être la première en nombre de participants (8), la première en création artistique (une splendide abeille réalisée avec des épaves marines et des épluchures ménagères) et la première en descente libre (de cocktails).

2008, journal d'un novice
«Ça y est, nous levons l'ancre, direction les Glénan, première étape de notre parcours. Sortie du port, déjeuner. Cela commence à bouger un peu. Le voilier avance bien. C'est le moment de mes premières découvertes de manœuvre du bord. Les Shadoks pompaient, les voileux «winchent». Mais c'est moins fréquent que je ne le pensais. C'est l'occasion de redécouvrir les lois de la physique, écoulements turbulent et laminaire, et de barrer en fonction de ces lois de base découvertes sur les bancs de notre chère École. C’est une sensation riche et pleine. On se sent maître des caprices d'Eole. Mais la mer est école de modestie et j'ai vite fait de perdre le cap après quelques instants d’inattention : la voile commence à battre de façon fâcheuse, le bateau gîtant de même.» [3]

2009, Ouessant et son ragoût de mouton
Le "ragoût-sous-la-motte" est une spécialité locale. Nous l'avons savouré dans une salle de l'ancienne garnison de Ouessant. La recette en est simple : dans une grande marmite en fonte, mettre une couche de mouton, une couche de pommes de terre (avec oignons et carottes), une couche de mouton, une couche de pommes de terre, etc... jusqu'au couvercle de la marmite. Placer la marmite dans la cheminée et la recouvrir complètement d'herbes sèches ou, mieux encore, de tourbe. Laisser cuire 4 à 6 heures, en rajoutant herbe ou tourbe périodiquement pour que la marmite demeure bien recouverte. Il ne reste plus qu'à déguster. [4,5]

2010, Aurigny et le Singe dans le courant
Pour rejoindre le port d'Aurigny (ou Alderney) au large du Cotentin, on traverse le Raz Blanchard. Attention ! On ne plaisante pas avec lui... il a ses heures et il faut les respecter, sous peine d'être remué, chahuté, roulé et enfin, refoulé. Coincés entre le cap de La Hague et l'île d'Aurigny, les courants de marée y atteignent 12 nœuds et les vagues peuvent être dangereuses. Nous passons au moment le plus calme, à l'étale du courant. Le lendemain, nous avons l'occasion de faire le tour de l'île en bateau. Il y a ceux qui calculent la bonne heure de passage et ceux qui s'échinent à remonter le courant. Car, en plus du Raz Blanchard, il faut prendre le Singe (ou Swinge) - tumultueux et spectaculaire et même dangereux quand on le prend à rebrousse-courant. [6]


2011, la pomme et le bison

La petite île anglo-normande de Sercq (ou Sark) mérite le détour. Et son mouillage du Havre Gosselin est magnifique. Bien abrité, on y jette l'ancre au pied de hautes falaises dont un petit escalier permet de rejoindre le sommet. C'est là que nous sacrifions à un rituel maintenant bien établi : la tournée de jus de pomme de Roland. Mais comme diraient certains tontons : « Y-a pas  que d'la pomme ! ». Car la vraie spécialité de Roland est la vodka polonaise. Sa marque fétiche est Zubrowka, reconnaissable au brin d'herbe à bison qui aromatise la bouteille.

2012, la belle marine à Rochefort
Notre flottille est fière de ses deux yachts «classiques», membres du port-musée de La Rochelle et tous deux armés par la promotion 1968 :
- le yawl Cyrène de 14m40 de Claude Le Minor, construit en 1968 sur plan Cornu.
- le ketch Thalamus de 14m50, de Paul Mazars, construit en 1964 sur plan Sergent.
La flottille se rend à Rochefort, haut lieu de la belle marine, pour visiter la corderie royale, le chantier en cours de reconstitution de l'Hermione et l'étonnante ancienne école de médecine navale.

2013, Le marin fait des projets, mais l’Éternel a le dernier mot.
« Le marin trace sa route avec sa règle Cras et les mouettes rient. » [4]
Nous avions prévu, au départ de Port La Forêt, de rallier Camaret et Sein via le Raz de Sein. La première journée vers Audierne se fait au près, à lutter contre un vent de Ouest-Nord-Ouest de 5 à 6 Beaufort et des vagues de 3 à 4m. Pénible. Éprouvant. Interminable. Beaucoup « nourrissent les poissons». Pour un premier jour, c'est assez rude. Faut-il persévérer ainsi par le Raz de Sein ? Non ! C'est trop ! Changeons de programme ! Et les pistons se retirèrent de devant l'Éternel, et naviguèrent au pays de l'Odet, à l'est d'Eckmühl.

2014, en mer aussi, gouverner, c’est prévoir
Après avoir exploré le golfe du Morbihan sous un temps magnifique (paysages somptueux), nous débarquons sur Arz pour… un concours gastronomique organisé entre les chefs émérites des différents bords. Au plus fort de la compétition, la mer est montée et le golfe s’est rempli. L’un des chefs de bord dont nous avons opportunément oublié le nom avait amarré son annexe trop bas sur la cale d’accès et le nœud d’amarrage est maintenant à deux mètres sous l’eau. Il lui faudra libérer l’annexe d’une manière peu académique...

2015, Wight is Wight. 
Nous faisons voile vers l'Angleterre. Le Solent, l’île de Wight, Newport, Cowes sont à la hauteur du mythe : des milliers de bateaux sont rassemblés dans la Mecque britannique de la voile. Pour une fois, nous ne chanterons pas « Le 31 du mois d’août » mais le vieux tube de Michel Delpech.

2016, à quoi pense le centralien en mer ?
«Nous approchons des côtes de Noirmoutier. Dans un réflexe de prudence, l’idée me vient de me lancer dans le calcul de probabilité d’une collision avec un casier à homards ou un autre voilier, dont la densité augmente. Hum ! Pas si simple. Allons à la pêche dans nos vieux souvenirs : le théorème de Cramer ne dit-il pas que la probabilité d'événements rares est une variable de Poisson qui se calcule avec une exponentielle ? Oui, d'accord, mais quelle exponentielle ? Et quel poisson ? Notre consommation récente d'un turbot est-elle de nature à accroître ou au contraire à réduire notre risque ? Aussi rouillé pour le calcul qu'une vieille chaîne de mouillage, je dois vite renoncer et remettre, comme le reste de l'équipage, notre sort entre les mains du Destin. Et puis, au fond (comme en surface), rien ne vaut une bonne sieste au soleil.» [4]




2017, les Centraliens connaissent la chanson
Nous fêtons la fin de la croisière tous ensemble dans un restaurant du port si typique de Dahouët, sous le regard bienveillant de Notre-Dame de la Garde qui en marque le gué d’accès. À la fin d’un joyeux repas, le clan familial de Roland nous fait la surprise d’interpréter le (probable) futur tube planétaire qu’ils ont concocté quelques heures plus tôt sous le soleil de Bréhat. Standing ovation.

2018, les îles d’Hyères sous l'orage
«Entre Hyères et Saint-Tropez, depuis une semaine, nous n’avons eu que de toutes petites brises. Éole va tout donner au dernier moment. Nous rentrons de Porquerolles à Hyères. 5 milles. Vers l’Ouest, une énorme barre noire remplit le ciel. Nous pensons avoir le temps d’arriver à bon port avant l'orage. Eh bien non ! Devant le port, la température chute brusquement. Le vent tourne. Et fraîchit d’un coup. Il pleut à seaux. Le vent affole les voiles. Je suis à la barre. J'ai juste le temps d’enfiler ma veste. Je suis mouillé quand même jusqu’aux os. Derrières mes lunettes trempées et la pluie torrentielle, je ne vois plus le port. Ceux qui le peuvent se réfugient dans le carré. Les autres affalent les voiles. Ouf ! Nous voilà accostés et amarrés au ponton. Rien de cassé! Et bien sûr, le vent et la pluie se sont calmés dès la première amarre nouée.» [6]

2019, le golfe de Porto
«Nous aurons découvert de beaux sites, de fins barreurs, des amoureux impétueux de la voile, de belles personnes, et même parfois le soir à la veillée, de belles histoires de vie. Naguère, non loin du beau mouillage de Sagone, les regards d'une jeune femme et d'un jeune homme s'étant croisés, ils tombèrent amoureux et ce fut le début d'une belle histoire. Et puis, un équipier nous raconte s’être baigné, il y a quelque 35 ans de cela, dans une calanque sauvage, au bout d'un chemin escarpé. Ce devait être non loin de Piana. Mais où était-il donc ce paradis perdu enfoui au fond de sa mémoire ? Ne serait-ce pas justement la Calanche de Ficajola où nous allons ? Doucement, en sondant les fonds comme on sonde les souvenirs, nous avons approché Ficajola. Oui, c'était bien elle. Olivier a mouillé notre ancre, telle une chocolatine dans sa tasse de café, laissant les souvenirs remonter des profondeurs comme un orin coloré, dans le goût salé de la plage de Ficajola, sa luminosité bleutée, et le plouf amorti de l'ancre plongeant dans l'eau profonde.» [7]

Scandola en Corse

2021, à l'écart des chemins usuels de la plaisance, quelques merveilles nous attendent en Bretagne Nord : la baie de Morlaix, l
a côte de granit rose, l'île de Batz, les Sept Îles, le château du Taureau.


Cet article a été composé à partir de textes écrits au fil du temps par :

[1] : Eliane Ledoux (ECP 96)

[2] : Barbara Gautier

[3] : Michel Galimberti (ECP 80)

[4] : Alain Gautier (ECP 68)

[5] : Alain Seitz (ECP 66)

[6] : Claude Bailly (ECP 84)

[7] : Pierre Bouthier

plus Claude Moreau (ECP 57), Daniel Berton (ECP 57), Séverine Brunet (ECP 91), Jacques Ducreux (ECP 75), etc.

Vous souhaitez participer à nos croisières ? 
Contactez Claude g.claude.bailly@gmail.com 06 99 55 50 10 ou Alain seitzalain@gmail.com 06 85 42 32 73

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