Le 18 septembre dernier, quarante membres du groupe Énergie durable ont eu le privilège d’effectuer une visite privée* de la plateforme ITER à Saint-Paul-lez-Durance. Récit d’une journée particulière.
La fusion nucléaire représente l’une des opportunités les plus prometteuses pour satisfaire les besoins en énergie de l’humanité dans le futur. C’est en même temps un défi considérable compte tenu de la sévérité des conditions de sa mise en œuvre. De nombreuses équipes à travers le monde se sont attelées au sujet : la coopération internationale ITER1 (« le chemin » en latin) sur le site de Saint-Paul-lez-Durance en Provence, à un jet de pierre de Manosque, est sans aucun doute la plus ambitieuse. Le groupe professionnel Énergie durable se devait d’aller y voir de plus près !
Nous avons ainsi approché ITER qui nous proposa très rapidement une conférence assurée par son directeur général, Bernard Bigot. Après quelques aléas de calendrier liés à la pandémie, la conférence se déroula le 14 avril par Zoom2. En 45 minutes, Bernard Bigot nous fit une présentation de très haut niveau, suivie par 45 autres minutes de questions auxquelles il fut répondu de manière tout aussi brillante sans éluder aucune de nos interrogations.
La suite naturelle de cette conférence était une visite du site à laquelle ITER nous invita pour le samedi 18 septembre. La jauge des visites organisées habituellement par ITER fut poussée jusqu’à l’extrême, si bien que quarante d’entre nous eurent la chance de pouvoir participer.
Après une brève présentation en salle, nous nous sommes dirigés vers le bâtiment qui abritera le tokamak – le réacteur toroïdal, siège de la fusion. Pour cela, nous avons traversé le site et donc les différents modules auxiliaires, tels que les postes électriques ou l’unité de fabrication du froid qui mettra les gigantesques aimants du tokamak à la température requise de 4 kelvins.
Le bâtiment du tokamak est sous atmosphère contrôlée, il nous fut donc demandé de prendre quelques précautions (nettoyage des mains et chaussures) pour limiter l’apport de poussières à l’intérieur. Nous commençons ainsi par le bâtiment d’assemblage, gigantesque cathédrale dans laquelle les divers éléments, essentiellement les tranches de chambre toroïdale et les aimants, sont rapprochés les uns des autres pour constituer des portions, comme des quartiers d’orange, qui seront glissées dans la chambre pour être associées les unes aux autres.
Du hall d’assemblage, à travers un couloir, on débouche à l’orée du bâtiment du réacteur lui-même, tels les prêtres de l’ancien temps pénétrant dans le saint des saints ! C’est ici que les éléments du réacteur sont positionnés les uns à côté des autres : pièces de plusieurs tonnes dont la tolérance d’assemblage est de l’ordre du millimètre, encore un défi, mais ces challenges permanents semblent familiers aux gens d’ITER ! C’est dans cet espace que, dans quelques années, s’amorcera le plasma de la fusion, où la température atteindra quelque 150 millions de degrés tout en respectant un vide tel qu’un gramme d’hydrogène occupera quelques centaines de mètres cubes.
Dans cette Babel moderne se côtoient 35 nationalités et, selon la règle, chaque pays contribue en fournissant des pièces de l’ensemble qui sont construites dans le pays d’origine et transportées d’abord jusqu’à Fos-sur-Mer, puis par la route dans des convois extraordinaires circulant la nuit pour acheminer les éléments dont la taille est de l’ordre de la dizaine de mètres.
Pendant toute cette visite, nous avons été guidés par des représentants d’ITER qui ont répondu à toutes les interrogations que ce chantier hors normes peut éveiller auprès d’ingénieurs pour qui les questions de sécurité, de qualité, de suivi des délais, de relations avec des fournisseurs variés et bien d’autres sont familières.
Après cette excursion dans un futur que nous espérons le plus proche possible et au cours de laquelle nous avons pu mesurer ce que la conférence d’avril nous avait laissé pressentir, nous nous sommes retrouvés sous une tonnelle aux bords de la Durance pour un déjeuner fort sympathique.
* Une autre visite du site a été organisée le 27 septembre par le groupe Occitanie- Midi Pyrénées.
Jean-Luc Bretesché (ECP 74)
1. Pour mémoire, et en quelques mots, ITER travaille à la construction d’un réacteur capable de générer un plasma résultant de la fusion d’isotopes de l’hydrogène qui fournira 500 MW d’énergie de façon stabilisée sur une durée de temps suffisante. L’enveloppe budgétaire se situe autour de 13 milliards d’euros et il est envisagé d’atteindre l’objectif en plusieurs étapes dont la première est attendue autour de 2025. ITER réunit sous sa bannière une impressionnante coopération internationale où l’on retrouve l’Union européenne, les États-Unis, la Russie, l’Inde, la Chine, le Japon et la Corée.
2. Conférence disponible sur le site de CSA : https://association.centralesupelec-alumni.com/group/energie-durable-csa/323/medias
Le groupe dans le hall d'assemblage :
Section de la chambre toroïdale :
Le hall du Tokamak :
Déjeuner sous la tonnelle :
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