"L'Economie Sociale et Solidaire a questionné de nombreux sujets de société depuis plusieurs années, comme les inégalités, la gouvernance, la consommation de masse, la sobriété....

Que partage-t-elle avec la transition écologique? Que peut-elle lui apporter? Quels nouveaux modes de vie plus résilients peuvent être développés, testés, mis en avant et avec quelles technologies comme le lowtech notamment? Quels modes de travail, de société et avec quelles valeurs?" C’est avec ces questionnements que les intervenants de la table ronde ont pu témoigner de leurs parcours et réalisations sur ces thèmes.

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Jeudi 23 mars, malgré la grève, intervenants, participants et organisateurs se sont tous retrouvés dans les locaux de MakeSense à Bastille pour le programme annoncé  :

- un atelier participatif sur les idées reçues sur l'ESS, animé par deux membres du groupement, qui a donné lieu à discussions, questions et enseignements,

- une table ronde pour parler de ce que l'ESS peut apporter à la transition écologique, de parcours d'ingénieurs correspondants, et de l'impact des technologies, avec des intervenants passionnants par leur engagement :

- Josette Combes coprésidente du Mouvement pour l'Economie Solidaire (L’économie solidaire en mouvement, Editions Eres, Paris, France, septembre 2022 https://www.librairiesindependantes.com/product/9782749276373/)

- Augustin Courtier cofondateur de Latitudes www.latitudes.cc

- Marion Graeffly directrice générale de Telecoop et représentante du collectif des Licoornes www.telecoop.fr, www.licoornes.coop

- Jean-Louis Laville enseignant-chercheur (titulaire de la chaire Economie solidaire au CNAM, CNRS, IFRIS) sur une autre économie https://www.jeanlouislaville.fr/index.php/economie-sociale-solidaire/

- Jean Baptiste Penent cofondateur de 06planet www.06planet.org

"c’est la réalisation de notre gaspillage, qui a été notamment à l’origine de mon aide à la création des crèches parentales, en laboratoire d’écologie sociale et culturelle"

"impliquée dans la vente de M&Ms, l’idée était de créer un nouveau récit, origine de la création de Telecoop"

"grand consommateur de viande et d’avion, je voulais faire quelque chose pour les générations à venir et c’est ainsi que 06planet est né"

"au sein de Latitudes, il y a un débat autour du fait de dialoguer ou pas avec le système existant mais c’est  aussi important de rendre nos discours ESS audibles"

"l’idée est de passer de l’économie d’aujourd’hui (promue par Hayek et son école), économie basée sur la concurrence vers une économie démocratique, écologique et solidaire"

Autant d’histoires, autant de projets de sens : les participants ont pu interroger les intervenants et échanger avec eux, en particulier pendant le buffet qui a permis des échanges fructueux aux alumni de CentraleSupélec qui s'intéressent à ce sujet. Nous avons promis de ne pas attendre 10 ans avant de recommencer!

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Compte rendu détaillé de la Table Ronde

Introduction

Merci à toutes et tous d’être avec nous ce soir (jeudi 23 mars 2023) : comme vous le savez le groupement a été créé il y a 10 ans déjà, sous l'impulsion d'ingénieurs de CentraleSupélec qui s'étaient engagés professionnellement dans des entreprises innovantes du point de vue de leurs impacts.

L’année 2022 a été marquante sur plusieurs points: le 28 Juillet, l’accès à un environnement sain est proclamé comme un droit humain par les Nations Unies, ce qui relie encore plus la question de la solidarité à celle du changement climatique. C’est également une année marquée par des températures toujours plus hautes en France, et des catastrophes climatiques dans diverses parties du monde comme au Pakistan. Beaucoup de scientifiques témoignent désormais de la baisse drastique des organismes vivants: le réchauffement climatique devient un peu plus une réalité et appelle à joindre combat écologique et justice sociale pour une transition positive.

"L'Economie Sociale et Solidaire de son côté a questionné de nombreux sujets de société depuis plusieurs années, comme les inégalités, la gouvernance, la consommation de masse, la sobriété… et nous nous sommes posé des questions sur ce thème environnemental en organisant cet événement:

Que partage-t-elle avec la transition écologique? Que peut-elle lui apporter? Quels nouveaux modes de vie plus résilients peuvent être développés, testés, mis en avant et avec quelles technologies comme le lowtech notamment? Quels modes de travail, de société et avec quelles valeurs?"

Pour en débattre avec vous, nous sommes très heureux d’accueillir :

- Josette Combes coprésidente du Mouvement pour l'Economie Solidaire (L’économie solidaire en mouvement, Editions Eres, Paris, France, septembre 2022 https://www.librairiesindependantes.com/product/9782749276373/)

- Augustin Courtier cofondateur de Latitudes (www.latitudes.cc)

- Marion Graeffly directrice générale de Telecoop (www.telecoop.fr) et représentante du collectif des Licoornes (www.licoornes.coop)

- Jean-Louis Laville enseignant-chercheur (responsable de la chaire Economie solidaire au CNAM, CNRS, IFRIS) sur une autre économie (https://www.jeanlouislaville.fr/index.php/economie-sociale-solidaire/)

- Jean Baptiste Penent cofondateur de 06planet (www.06planet.org)

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Déroulé : 3 questions posées

Irina

1- Comment avez-vous pris conscience du problème et qu’est-ce que vous avez choisi de changer? 

• Josette :

Cela n’a pas été vraiment un déclic, mais plutôt un cheminement, avec la réalisation de notre gaspillage, qui a été notamment à l’origine de la création des crèches parentales. L’idée était de répondre aux besoins, prendre conscience de l’importance de l’éveil pour les enfants, de favoriser la prise de conscience des parents, de faire participer les parents à l’expérience et de préserver les enfants de la violence. En quelque sorte un laboratoire d’écologie sociale et culturelle.

• Marion :

Cela n’a pas été un un déclic non plus, mais la réalisation de faire partie du problème. Avant, j’étais impliquée dans la vente de M&Ms, l’idée était de faire quelque chose qui vaille le coup, donner son temps à quelque chose de plus grand, créer un nouveau récit. La meilleure chose pour moi, c’est de faire grandir une économie de sens , à travers une rencontre de l’ESS, des coopératives, pour une juste répartition des richesses, d’où la création de TeleCoop.

• Augustin :

Cela a été aussi un chemin, j’ai ouvert les yeux, il y a 6 ans. Je viens d’une famille pas forcément très sensibilisée sur ces aspects. J’ai eu une prise de conscience des enjeux, des exigences que l’on peut avoir vis-à-vis des structures recruteuses en tant que personne avec des compétences recherchées, du nouveau rapport de force des jeunes, du rapport à l’argent et aux compétences. D’où la création de Latitudes. Mon « déclic » s’est fait à l‘Ecole, avec d’autres élèves.

• Jean-Baptiste :

Mon cheminement s’est fait par le coté social, la sensibilité aux inégalités sociales, aux injustices. J’ai cru qu’internet allait nous sauver... J’étais un grand consommateur de viande et d’avion, Mais j’ai décidé que je voulais faire quelque chose pour les générations à venir. Mon déclic s’est fait grâce aux COPs et pour l’amour de mes filles.

• Jean-Louis :

On apprend le néolibéralisme à l’école, on est baigné dans une économie mue par le profit, la  concurrence, l’efficacité et l’efficience. Ce néolibéralisme (hérité de Hayek et son école) l’emporte sur la démocratie. Il s’agit donc de démocratiser l’économie, de faire se rencontrer démocratie et économie.

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Irina

2- Qu’est-ce que l’ESS peut apporter à la transition écologique?

• Jean-Louis :

La période 1830-1848 a été la plus grande période de création d’associations en France.

Il s’agissait de remplacer la charité par la solidarité démocratique, faire pénétrer la démocratie dans la société, d’où la création de sociétés de secours mutuel, de coopératives. Ensuite le développement industriel a démarré et on a pensé que la misère serait résolue par la production et le ruissellement de la production. Ces 30 dernières années, 2 idées sont en compétition, une solidarité philanthropique versus une solidarité démocratique. Notre action est résolument de faire progresser des formes participatives d’économie (et non pas de reposer sur une forme sympathique de philanthropie). La transition écologique passe par le débat et le conflit démocratique (et non pas par la violence).

• Josette :

L’économie solidaire part d’une réflexion de base « aide toi, ni le ciel ni l’Etat ne peuvent rien pour toi ». L’idée est de prendre conscience de la solidarité versus une accumulation de richesses excessive. C’est bien dans notre imaginaire que l’idée de solidarité du monde qui travaille doit émerger.

• Augustin :

Pourquoi et comment fait-on une activité ?

Nous devons tenir compte de la transition écologique, des valeurs de l’ESS, des principes démocratiques et solidaires. Le statut associatif permet une absence de rapport financier au projet, ce qui favorise le focus sur la mission et les valeurs, et rend les changements et les ruptures éventuels plus simples puisqu’il n’y a pas d’intérêt financier en jeu

• Marion :

Après avoir été directrice d’On Purpose, j’ai créé Telecoop, le premier opérateur telecom coopératif. Le secteur telecom est dominé par 3 hommes puissants et richissimes (+ Orange). Le secteur des Telecoms est aussi la porte d’entrée vers le secteur du Numérique, lui-même trusté par de très grandes entreprises américaines et chinoises. L’idée est donc de redonner le pouvoir aux citoyens à travers un opérateur au service de l’intérêt général, plus largement rendre le pouvoir aux citoyens à travers le mouvement des Licoornes, émanciper le citoyen, lui donner la possibilité d’apprendre comment cela marche à travers le fonctionnement de la coopérative : ne pas trop dépendre du dirigeant, prendre les bonnes décisions de manière coopérative, l’intérêt du collectif prime sur l’intérêt financier, assurer la pérennité de la structure. Cela renforce l’importance du statut coopératif (ici sous forme de SCIC Société Coopérative d'Intérêt Collectif).

• Jean-Baptiste :

06 planet milite pour un mode de vie durable et désirable, c’est un combat démocratique, l’idée citoyenne est souvent détournée (exemple : la convention citoyenne pour le climat). L’idée est de créer des coopératives citoyennes, d’expérimenter de nouveaux modes de vie désirables à travers des écovillages, des écoquartiers. L’approche est de ne pas rentrer en conflit avec l’existant mais de garder son énergie à construire une alternative attractive.

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Irina

3- Quel rôle la technologie peut/ doit jouer dans la transformation sociale et environnementale de notre société?

• Jean-Baptiste :

Pour que le monde soit durable, il faut trouver un mode de vie enviable dans les écovillages, il faut donner envie en conservant les fonctionnalités auxquelles on a accès aujourd’hui (mobilité, températures acceptables, facilités de gestion de la maison...), mais on ne peut pas faire l’économie de la sobriété. Pour maintenir un niveau de confort suffisant, le low tech est un moyen permettant de garder un confort sobre et désirable.

• Marion :

Le secteur du Numérique consomme déjà 4% des GES, et consommera 8% des GES d’ici une dizaine d’années. Faut-il croire à la promesse d’un numérique décarboné? En réalité il faut changer de paradigme, réfléchir et voir comment utiliser le numérique à bon escient pour la transition écologique (voir les études de l’Ademe), mesurer le vrai impact du télétravail, bien mesurer tous les impacts du numérique, encourager la sobriété numérique, d’où les idées de facturation à la quantité de données réellement consommées, d’encouragement à la réparation des mobiles, des idées promues par Telecoop.

• Augustin :

Il y a un débat autour du fait de dialoguer ou pas avec le système existant. Attention cependant aux discours alternatifs, parfois trop militants, donc inaudibles pour certains publics. C’est  aussi important de rendre nos discours ESS audibles, par exemple essayer de toucher les 800 élèves de l’Epitech, au moins semer la graine plus que trop contester, c’est une vraie interrogation sur la relation avec l’économie classique.

• Josette :

L’ESS, ce n’est pas que les services de proximité, les services à la personne…

L’ESS a été pionnier sur certains sujets, sur certaines techniques ; l’important de ce qu’on en fait, la radicalité c’est de prendre les choses à la racine. Attention à l‘économie dominante qui domine toutes les autres formes de vie humaine, chacun doit pouvoir gouverner son économie (d’abord son économie domestique), chacun doit avoir le droit de sauver son biotope.

Il y a beaucoup de créativité technique dans l’économie solidaire, création de technique utile (exemple du vélo), et il est important de toujours se demander à quoi ça sert versus les ressources utilisées.

L’idée est de passer de l’économie d’aujourd’hui (promue par Hayek et son école), économie basée sur la concurrence vers une économie démocratique, écologique et solidaire.

• Jean-Louis :

L’image de la science au-dessus de la société, du savant au dessus du citoyen, l’autojustification de la science, d’une science au service du complexe militaro-industriel est remise en cause.

Une nouvelle science (Ecole de Ccopenhague) émerge : science avec la société, faire de la science autrement, relier les savoirs académiques avec les savoirs et les expériences de toutes les personnes, favoriser le croisement de ces savoirs (concept développé par ATD Quart Monde), toujours garder en tête pour qui et pour quoi est faite la science.

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Conclusion

Les choses ont bougé en France ces derniers temps, notamment avec la loi ESS de 2014 qui élargit les statuts des entreprises de l'ESS, la loi Pacte et la création d'entreprises à mission. Les témoignages des invités de ce soir montrent que des choses concrètes émergent et donnent envie.

Appel à suggestions pour une suite à l'événement? Retrouvons sur le groupe Linkedin ESS ou sur la page du groupement pour s'inscrire à notre Lettre d'Information!

Et tout d'abord, place à notre petit diner:).